25th November 2024
Dalfey S.A. fait essentiellement des opérations de débardage direct d’arbres lourds où il faut déposer doucement ceux-ci sur le sol lors de l’abattage.
– Paul Iarocci
L’Uruguay est un pays composé de pâturages indigènes légèrement vallonnés où broutent 12 millions de têtes de bétail. Luis Achugar, directeur de la compagnie d’exploitation forestière Dalfey S.A. située à Rivera, en Uruguay, remarque que l’Uruguay se dirige dans une direction opposée à celle nombreux autres pays. Alors que de nombreux pays convertissent des forêts indigènes et de plantation en terres agricoles et en pâturages, en Uruguay, des pâturages sont convertis en des forêts d’eucalyptus et de pins offrant une excellente productivité.
Dalfey S.A. récolte des arbres pour le compte de l’entreprise forestière familiale COFUSA se trouvant aussi à Rivera. Depuis 1988, COFUSA fait de la plantation et de la gestion de forêts situées sur les terrains sablonneux de la région du nord de l’Uruguay Rivera-Tacuarembo. La saison de croissance dure longtemps et les précipitations annuelles peuvent dépasser 2 000 mm (80 po). COFUSA possède plus de 40 000 hectares (près de 100 000 acres) de terrains forestiers où se trouve principalement de l’Eucalyptus grandis. URUFOR est une société sœur qui façonne les billes des plantations de COFUSA dans une scierie du dernier cri et produit du bois d’œuvre et du bois d’ingénierie de haute qualité. L’usine étant située à une position stratégique, la distance moyenne de transport jusqu’à celle-ci est seulement de 30 km (20 milles). Les deux compagnies emploient plus de 600 personnes.
Luis Achugar a étudié en agriculture à Montevideo et a décidé de se spécialiser en foresterie pendant ses dernières années d’études, une décision qui semblait étrange à la fin des années 1990. L’industrie forestière de l’Uruguay en était à ses balbutiements et la production était loin d’atteindre le volume actuel annuel de 13 millions de mètres cubes de bois coupé. « Dans ce temps, il n’y avait même pas d’usine de pâte en Uruguay », souligne Luis Achugar. Sa décision a toutefois été clairvoyante. Il a commencé à travailler chez COFUSA en 2000 et y est demeuré pendant sept ans, en passant d’un service à l’autre où il a acquis des connaissances sur la plantation d’arbres, l’élagage, l’ingénierie routière et les opérations de récolte.
En 2007, COFUSA lui a suggéré de devenir exploitant forestier. C’était un partenariat parfait. Luis Achugar comprenait les complexités associées à la sylviculture, à l’infrastructure routière et aux procédures de récolte et avait déjà démontré qu’il possédait les habiletés de gestion nécessaires. Pour COFUSA, retenir les services d’un exploitant qui était un ancien employé de l’entreprise offrait un grand avantage : cela permettait d’assurer l’approvisionnement en la principale matière première et aidait à contrôler la qualité finale des divers produits.
COFUSA a mécanisé ses opérations de récolte en 2005. En 2008, pendant qu’ils effectuaient des recherches pour acheter du nouvel équipement, Luis Achugar et Andres Gómez, gestionnaire de l’environnement forestier de COFUSA, ont visité les installations de l’usine de Tigercat et sont repartis convaincus que l’entreprise offrait une solution acceptable qui répondait aux exigences de leur système de récolte unique. En 2009, Luis Achugar a acheté deux transporteurs 1075B, une abatteuse-empileuse personnalisée 855C et une abatteuse-façonneuse H855C. Au cours des cinq dernières années, il s’est procuré trois autres transporteurs 1075B, une autre abatteuse-façonneuse H855C, une abatteuse-façonneuse H845C, une abatteuse-empileuse 822C usagée et une chargeuse 220D. Travaillant pour le compte de COFUSA, Dalfey récolte la grande majorité du bois qui est utilisé dans la scierie et l’usine de pâte.
La matière première homogène et le contrôle de qualité rigoureux s’appliquant tout au long du processus expliquent en partie le succès de COFUSA et d’URUFOR. Très peu de compagnies dans le monde produisent du bois d’œuvre de grande valeur à partir d’eucalyptus. COFUSA exerce un contrôle serré sur la chaîne d’approvisionnement, à partir des semis à jusqu’à l’usine. De son côté, Dalfey S.A. assure l’approvisionnement en billes d’URUFOR et la qualité de celles-ci.
L’histoire de COFUSA est inspirante. La compagnie a été fondée en 1988. Le plan d’origine était de faire pousser de l’eucalyptus et d’exporter du bois de pâte en Scandinavie. En 1992, la famille a décidé de fabriquer du bois d’œuvre qui serait exporté. À cette époque, c’était une idée très innovante. Les autres compagnies coupaient de l’eucalyptus pour fabriquer des palettes, mais personne ne tentait de fabriquer du bois d’œuvre de haute qualité certifié par le FSC afin de faire concurrence aux produits fabriqués avec des feuillus des tropiques. Il a ensuite fallu faire beaucoup de recherche, de travaux préparatoires et d’investissements au niveau de la scierie afin de déterminer quelle méthode permettrait de fabriquer des panneaux et du bois d’ingénierie pouvant concurrencer les produits faits à partir des meilleurs feuillus classiques connus.
COFUSA a commencé à récolter les arbres d’anciennes plantations en 1992 et à faire l’éclaircissage de ses propres plantations en 2002. La scierie s’est rapidement développée pendant la dernière décennie, en y intégrant de l’équipement italien et allemand de pointe. La gamme de produits s’est diversifiée et le volume de production quotidien a augmenté. URUFOR exporte des panneaux, des poutres laminées et des joints par entures multiples pour divers produits, comme les articles de menuiserie, les cadres de fenêtres, les revêtements de plancher, le mobilier et les palettes pour les marchés de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique, de l’Australie, du Moyen-Orient et de l’Amérique du Nord. Le volume de production annuel est de 300 000 m³ (environ 300 000 tonnes).
Le problème est que l’eucalyptus sèche rapidement et qu’il se fend. Dès qu’une abatteuse-empileuse en dépose un sur le sol, le compte à rebours commence. À partir de ce moment, il faut livrer à l’usine dans une période de 24 h les billes de sciage produites à partir de cet eucalyptus. C’est la caractéristique la plus importante des opérations de débardage direct et cela démontre la nécessité d’avoir un bon taux de disponibilité de machines et un système bien équilibré.
Les opérations de récolte de Dalfey S.A. sont quelque peu uniques sous un certain nombre d’aspects. Afin de bien saisir la situation dans son ensemble, il faut comprendre le processus intensif de sylviculture de COFUSA. Dans les premières années après l’étape de plantation, on fait de l’épandage d’engrais et des traitements à l’herbicide un certain nombre de fois. Les arbres sont élagués jusqu’à une hauteur de 10 m (33 pi) pendant les cinq premières années. Un premier éclaircissage commercial est réalisé lorsque les arbres ont de sept à neuf ans. Un deuxième est effectué lorsqu’ils ont de treize à quinze ans, ce qui permet de récolter des billes de bois de pâte et des billes de sciage.
Nous avons visité une plantation de 15 ans où l’on réalisait un deuxième éclaircissage. Puisque la majorité du bois sera livrée à l’usine de pâte, il n’y a pas de débardage direct et l’abatteuse-empileuse est déjà utilisée sur un autre site. (Le bois est déjà trop gros pour qu’il soit possible de l’abattre avec une abatteuse-façonneuse de façon efficace.) Une abatteuse-façonneuse à chenilles H845C Tigercat dotée d’une tête Log Max 7000 façonne des billes dans un peuplement, et l’un des transporteurs 1075B d’origine utilisés pendant 20 000 heures ramasse des billes de bois de pâte de 7 m et des billes de sciage de 5 m et les apporte jusqu’en bordure de route.
Après cet éclaircissage, seulement 150 arbres par hectare restent dans le peuplement. De nombreuses études qui tiennent compte de plus de facteurs que seulement le volume de production total obtenu pendant l’abattage définitif indiquent qu’il est bénéfique de faire de l’élagage et de l’éclaircissage intensifs. Comme Luis Achugar l’explique, il est important de considérer le prix des produits obtenus à partir de ces grands arbres. « Certaines personnes nous demandent pourquoi nous laissons pousser si peu d’arbres dans le peuplement », mentionne Luis Achugar qui reconnaît que cela réduit le volume de production. « Mais la valeur des arbres en dollar sur la base des produits obtenus à partir d’eux est optimisée. » Dans le cas présent, un volume inférieur permet de réaliser des gains.
COFUSA profite du fait que Luis Achugar comprend la logique sous-jacente aux décisions et aux finalités du processus. Ce n’est pas optimal pour des abatteuses-empileuses 855C Tigercat d’abattre des arbres de 3 et 4 tonnes à longueur de journée, mais les billes de sciage massives qui entrent dans l’usine, où elles sont transformées à l’aide de scies et de scanneurs, sont ce qui distingue COFUSA et URUFOR de toutes les autres compagnies de produits forestiers du monde.
L’abattage final est fait lorsque les arbres ont 20 ans. À cette étape, les arbres ont une hauteur de 45 m (150 pi) et un poids moyen de 3 tonnes (3,3 tonnes américaines). Ayant été élagués jusqu’à une hauteur de 10 m, ils permettent d’obtenir deux billes de 5 m ébranchées et trois billes de sciage non ébranchées. La partie restante des arbres est utilisée comme bois de pâte.
Pour minimiser les dommages causés par le fendage, ces géants doivent être manipulés avec soin et déposés doucement lors de l’abattage. Cela élimine la possibilité d’utiliser une scie d’abattage directionnelle, ce qui permettrait d’éviter de faire deux passes de coupe et solliciterait beaucoup moins la machine. Luis Achugar doit plutôt utiliser une abatteuse-empileuse et une scie à chaud pour les abattre avec soin et les déposer doucement. L’abatteuse-empileuse 855C est utilisée pendant un quart de travail chaque jour. Puisque le débardage est de type direct, l’abatteuse-empileuse ne peut être en avance de plus d’un jour par rapport au reste des opérations. En tout, l’abatteuse-empileuse 855C a été utilisée pendant 6 600 h durant juste un peu moins de cinq ans pour faire ces opérations extrêmes. Étonnamment, les problèmes de structure de matériaux n’ont touché que le poignet de 30° de rotation, ce qui a nécessité d’installer une plaque de renfort pour celui-ci, et une lame de scie qui s’est fissurée, ce dont Luis Achugar ne se plaint pas.
L’abatteuse-empileuse dépose les arbres selon la forme d’un éventail afin que les branches puissent être enlevées manuellement, les plus grandes de celles-ci pouvant atteindre un diamètre de 12 à 20 cm. Puis, l’abatteuse-façonneuse à chenilles H855C dotée d’une tête Log Max 10000 façonne les arbres massifs. Pendant qu’il observe Rolando, l’opérateur de cette machine, s’escrimer à façonner les arbres situés sur le bord du peuplement, Luis Achugar calcule le volume du dernier arbre façonné par l’abatteuse-façonneuse. Les cinq billes de sciage pèsent presque six tonnes au total et il faut ajouter le poids des deux billes de bois de pâte. Les deux abatteuses-façonneuses sont utilisées pendant deux quarts de travail par jour et chaque machine produit quotidiennement de 450 à 650 tonnes (500 à 720 tonnes américaines).
Deux transporteurs 1075B achetés à la fin de l’année 2013 sont aussi utilisés pendant deux quarts de travail pour transporter le bois jusqu’en bordure de route, ce qui permet d’obtenir une production mensuelle de 24 000 à 26 000 tonnes (26 500 à 28 660 tonnes américaines). Les opérateurs de transporteurs travaillant la nuit remplissent aussi des camions car la chargeuse 220D Tigercat est seulement utilisée durant le jour. Au total, chaque transporteur et abatteuse-façonneuse est utilisé pendant 5 000 h/année. Les premiers transporteurs 1075B, qui ont été achetés à la fin de 2008 et au début de 2009, sont maintenant employés pour faire les opérations d’éclaircissage et ils ont chacun plus de 20 000 h d’utilisation. Luis Achugar considère que les transporteurs sont nécessaires pour ses opérations et affirme qu’aucun produit d’un autre fabricant ne permettrait d’effectuer cette tâche aussi efficacement, en remarquant que la capacité de charge et le rendement du carburant sont plus élevés que ceux de n’importe quelle autre machine dont il s’est servi.
Lorsque Luis Achugar a acheté un deuxième groupe de transporteurs, les deux machines qu’il s’est procurées étaient dotées du prototype de la nouvelle grue de Tigercat. La grue à haute capacité F195F85 porte les machines à un autre niveau. « Je n’ai pas fait d’étude des temps, mais même s’il y a des problèmes de rotateur, la productivité a augmenté », indique Luis Achugar. (Tigercat teste aussi en ce moment un prototype de rotateur installé sur les deux machines.) Une étude approximative réalisée par l’équipe de conception de Tigercat qui a suivi une machine pendant un quart de travail, indique que la production moyenne serait de 58 m³/h alors que la production moyenne des autres transporteurs est de 45 m³/h selon les données de Luis Achugar relevées à long terme. La consommation moyenne de carburant des anciennes machines était de 14 l/h alors que celle des nouvelles est de 16 à 17 l/h, bien que Luis Achugar attribue une partie de cette différence au fait que les nouveaux transporteurs font moins de chargement de camion, une tâche relativement facile.
Les billes élaguées pèsent de 0,75 à 1 tonne. Luis Achugar indique que l’ancien transporteur pouvait soulever une seule bille à la fois. Si la bille était éloignée de la machine ou très lourde, l’opérateur devait la rapprocher en la traînant sur le sol avant de la soulever ou se rapprocher de la bille. Les nouvelles machines peuvent manipuler une seule bille aisément et ramassent souvent deux billes en même temps, ce qui double la productivité par cycle de levage. En utilisant le nouveau grappin plus large (l’une des machines est aussi dotée d’un prototype de grappin FG430 de Tigercat), l’augmentation de productivité est aussi importante pour les billes de bois de pâte. « Une seule machine a ramassé l’équivalent de 535 chargements de camions en 23 jours. C’est presque 700 tonnes par jour, en plus de charger 70 camions », souligne Luis Achugar. C’est comme si le transporteur 1075B avait été conçu spécifiquement pour ce type d’opération particulier.
Luis Achugar fait le suivi de toutes les données et peut facilement calculer le volume de productivité par opérateur, par machine, par quart de travail et par litre de carburant consommé. Il fait aussi un suivi rigoureux des temps d’arrêt et de la consommation de carburant. Les opérateurs reçoivent des primes en fonction de la productivité et du temps d’utilisation des machines. Tous les opérateurs sont formés en partant de zéro. Quoiqu’il soit possible que les nouveaux employés aient de l’expérience en matière d’utilisation d’équipement agricole, Luis Achugar n’engage personne qui a déjà utilisé de l’équipement d’exploitation forestière, en sélectionnant les individus plus en fonction de leur personnalité que de leur expérience et leur qualification. Luis Achugar fait constamment des compliments à ses opérateurs pendant que nous observons les opérations. En observant l’opérateur Hugo de Canto ramasser un groupe de billes de sciage sans faire de bruit, Luis Achugar remarque : « Si vous n’entendez pas de bruits de métal, cela veut dire que les opérateurs des transporteurs travaillent bien. »
Marcos de Oliveira, superviseur d’une équipe d’abattage définitif, a travaillé aux côtés de Luis Achugar chez COFUSA. « Lorsque je l’ai informé que je quittais la compagnie, il m’a dit qu’il allait me suivre », mentionne Luis Achugar. Dalfey S.A. emploie 40 personnes réparties en trois équipes, la première faisant le premier éclaircissage, la deuxième le deuxième éclaircissage et la dernière l’abattage définitif. Le taux de roulement est extrêmement bas et il est évident, en observant les machines bien entretenues et la propreté de l’intérieur des cabines, que les opérateurs valorisent leur travail et leur équipement.